ALLOCUTION
de Sa Béatitude l’archevêque CHRISTODOULOS d’Athènes et de toute la Grèce
adressée au cours du dîner officiel offert par
Son Éminence le cardinal Walter KASPER
(13 décembre 2006)


Éminence et cher Ami cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens,

Excellences,

Honorables convives

Frères bien-aimés en Christ,

Pour moi et les personnes qui m’accompagnent, il s’agit d’un jour vraiment glorieux et béni que de nous trouver ici : dans la Ville éternelle, capitale historique des Césars, mais aussi très illustre siège des évêques de l’Ancienne Rome.

Nous sommes venus, de la célèbre cité d’Athènes et de l’Église apostolique de Grèce, sur l’aimable invitation de Sa Sainteté le pape de Rome et notre frère bien-aimé Benoît XVI. Nous sommes venus en ouvriers diligents de l’évangile de Jésus Christ, porteurs du message joyeux de la réconciliation, de la coopération et du dialogue de vérité. Il est vrai qu’au cours de l’histoire, les relations de nos Églises n’ont pas été les meilleures ou ne reflétaient pas ce que l’esprit d’amour chrétien requiert de notre part. Mais le temps presse !

Des ecclésiastiques bénis, qui nous ont précédés, ont levé les anathèmes du schisme tragique et ont inauguré une nouvelle ère pour les relations de nos Églises.

C’est sur leurs traces que les Églises d’Orient et d’Occident marchent ces quarante dernières années. Elles échangent des messages et des vœux. Elles se rendent visite et octroient des bourses. Elles participent à des congrès théologiques et des réunions de paix, mais surtout au processus sacrificatoire et laborieux que constitue le dialogue théologique officiel entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe.

C’est un chemin de compréhension mutuelle, de réconciliation et de pacification, faisant preuve d’esprit de vérité et d’amour. L’Église de Grèce lui accorde son plein soutien, le considérant comme sa contribution par excellence à la question de l’unité chrétienne.

Cependant, l’esprit des temps nous indique aussi d’autres voies. La visite historique que l’éminent ecclésiastique d’éternelle mémoire, le pape Jean-Paul II, a effectuée à Athènes en 2001, a donné matière à réflexion à notre clergé et à notre peuple. Elle a ouvert de nouveaux chemins de créative collaboration fraternelle dans le contexte de la nouvelle réalité européenne. Des délégations officielles ont été envoyées de part et d’autre. Nous avons débattu de bioéthique, d’éducation, d’écologie, de paix et de civilisation. Nous nous sommes engagés ensemble dans la lutte pour défendre notre patrimoine européen de valeurs et de principes chrétiens. Nous avons confirmé la sincérité de nos sentiments bien intentionnés.

À présent, nous nous trouvons ici, face à la responsabilité historique qui nous incombe, prêts à rencontrer l’éminent théologien et penseur de notre temps, le chef dynamique et charismatique de l’Église catholique romaine, le Pape Benoît XVI.

Nous venons remplis d’attentes et de bonnes espérances. Notre intention est de clamer à l’unisson que nous nous opposons à la sécularisation du message chrétien, à notre époque de globalisation niveleuse et d’usage souvent impie de la technologie.

De lutter ensemble pour instaurer le règne et la justice de Dieu sur terre, mais avant tout en Europe, notre Maison commune, le continent multiculturel qui a soif du Christ.

Nous devons lutter sans faillir pour garantir le respect dû au caractère sacré de la personne humaine et la valeur non négociable de la vie humaine. Cela, moyennant la bioéthique et la façon d’envisager les nouveaux défis de la génétique, mais aussi moyennant la protection consciente et continue de l’environnement naturel, témoin éloquent de la Création divine.

De nos jours, le besoin impératif se fait sentir de promouvoir et de renforcer davantage le dialogue interreligieux pour pouvoir assurer aux peuples de la terre l’espoir que l’humanité sera véritablement humanisée.

En humbles serviteurs de la grande famille orthodoxe, nous sommes venus auprès de nos frères catholiques romains pour témoigner de notre espérance d’un meilleur avenir commun en Europe et dans le monde ; cela, au profit de la société dont nous sommes les pasteurs, mais aussi de notre jeunesse tourmentée. Nous voulons déclarer notre engagement de continuer la coopération fructueuse en matière de principes chrétiens, de valeurs universelles et de droits fondamentaux de l’homme.

À la veille de la fête universelle de l’Incarnation divine, nous venons en pèlerinage aux Catacombes pour nous recueillir sur les tombeaux des martyrs de la première ère chrétienne. Pour nous prosterner devant les sépulcres de Pierre et Paul, fondateurs de l’Église de Rome, premiers coryphées des Apôtres, dont le second est aussi fondateur et patron céleste de l’Église d’Athènes et de toute la Grèce.

Nous devons nous rendre aussi en pèlerinage à la célèbre basilique Saint-Clément aux superbes mosaïques byzantines et aux vestiges évocateurs de Cyrille et Méthode – nos compatriotes Thessaloniciens et patrons de l’Europe – ainsi qu’au tombeau de saint Cyrille.

Il n’y aurait pas de meilleur moyen d’approfondir le grand mystère de la Métropole des Fêtes – comme saint Chrysostome appelle Noël – que de visiter Santa Maria Maggiore où sont conservées la Crèche du Seigneur et l’icône d’art byzantin représentant la Toute-Sainte Mère de Dieu : Salut du peuple romain.

Notre visite aussi à saint Jean de Latran – cathédrale de Rome – veut signaler notre respect envers le siège vénéré de l’évêque de Rome et patriarche d’Occident dont l’ancien évêché [l’actuel siège du cardinal vicaire] est encore aujourd’hui appelé, en italien, de son nom grec médiéval : Patriarchio.

En dernier lieu, nous nous réjouissons de notre prochaine rencontre avec Son Éminence le métropolite Gennade d’Italie et de Malte, notre cher frère en Christ, et avec nos compatriotes orthodoxes dans leur paroisse : l’église historique Saint-Théodore de Rome, autrefois monastère byzantin. Nous devons remercier l’évêché de Rome et son Primat d’avoir fait don à nos frères de cette église.

Éminence,

Tout le monde reconnaît, au niveau interchrétien, votre contribution à la science théologique ; ainsi que le rôle, particulièrement important et efficace, que vous jouez au sein du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens que vous présidez dignement ces dernières années ! Pour moi et les personnes qui m’accompagnent c’est donc une grande joie et honneur d’assister à ce dîner officiel que vous avez la gentillesse d’offrir au nom de Sa Sainteté. Pour cette raison, je lève mon verre pour souhaiter santé et longue vie à notre hôte distingué, le Pape Benoît XVI, mais aussi à vous personnellement : Ad multos annos !!!